La sagesse.
Face à un gouvernement qui, conformément à une ligne de conduite validée par les urnes, ne cédera pas et une opposition qui, depuis trop longtemps, cherche sa politique, notre société, courageuse, envoie sa jeunesse au charbon.
"Si nous les jeunes nous voulons un travail demain, il faut que nos vieux partent en retraite plus tôt!"
Voilà l'argument phare de la mobilisation lycéenne! Grotesque?
Non, ça serait dénigrer ces gamins de 15 ans, qui a défaut d'avoir une liberté de pensée manipulés qu'ils sont par des adultes qui ne connaissent la rue qu'à travers les vitres fumées de leurs grosses berlines avec chauffeur, ont cette flamme de la conviction qui éclaire leurs yeux. Bien sûr, vous n'en doutez pas, qu'ils souhaitent s'impliquer dans la vie quotidienne de leur pays, à leur manière. Candide.
"Nous ne sommes pas tous des casseurs. Les casseurs, ils ne vont même pas à l'école!" annonce cette fille surveillée de prêt par sa mère, responsable, elle aussi sur le pavé parisien.
Qui le croyait?
Les médias vous prennent-ils vraiment pour un idiot, dénué de tous sens critique, faisant si peu la part des choses que vous tombiez dans l'amalgame? L'espoir fait vivre.
Il est tellement plus facile de montrer des générations qui s'affrontent, des vandales qui défient la police, ou des mineurs criant aux commerçantes apeurées que, s'ils entrent, elles seront violées. Tellement aisé. Lâche.
Aussi loin que remontent vos souvenirs vous ne vous rappelez pas que vous étiez comme ça à leur âge.
Le courage serait, pour les journaux, d'arrêter de jouer avec la peur des gens, de faire croire que lorsque 15 tire-au-flanc sur 2000 lycéens montent à Paris pour exprimer le raz-le-bol de leur établissement face à la loi "Sarko", c'est une mobilisation générale, un nouveau mai 68. La bravoure serait, pour cette mère de famille d'expliquer à sa fille que certes exprimer son mécontentement dans la rue est un droit, que les anciens, très anciens, ont obtenu mais que la sagesse et le début de sa responsabilité d'adulte serait plutôt d'apprendre comment ces "vieux" ont fait pour en arriver là, à plus de libertés. Quel tribut ils ont payé à la démocratie. Etudier.
Aller à l'école vaut mieux car c'est encore la meilleure façon de s'en sortir. Ou alors vous ne comprenez plus rien au monde dans lequel vous vivez. N'est-ce pas là que vous avez appris votre métier? Car ne faut-il pas d'abord travailler pour avoir une retraite?
Pour vous désormais, l'image de cette journée de grogne, sera ce bout'chou à peine plus âgé que les vôtres qui pleure devant son école détruite par les flammes. Certes ce ne sont pas nos enfants qui ont fait ça, ce sont des voyoux, incultes et associables, ces délinquants que tout le monde désigne sans les nommer, ces "casseurs" qui sont sur tous les écrans, sur toutes les lèvres. Auraient-ils pu se glisser "en marge" de manifestation si nos jeunes étaient restés sagement dans leur classe? Pas sûr.
Alors que votre destination apparait au détour d'un dernier virage, un étudiant, sans doute vrai démocrate, affirme deux choses qui vous réconcilient avec vos concitoyens:
"Non, le gouvernement ne doit pas céder, il conduit une politique pour laquelle les français se sont exprimés aux dernières présidentielles. Revenir en arrière équivaudrait à un désaveu de son propre électorat. La contestation doit se faire dans les urnes par un vote massif pour le candidat qui apportera enfin la solution aux problèmes que traversent la France."
Vous descendez dans un souterrain. La radio se coupe. Plus que quelques minutes avant de retrouver les grondements extérieurs. A peine le temps de vous souvenir de cette pensée d'Alfred de Musset:
C'est que la sagesse est un travail,
et que pour être seulement raisonnable,
il faut se donner beaucoup de mal,
tandis que pour faire des sottises,
il n'y a qu'à se laisser aller.
Vous avez du pain sur la planche!