La statistique.

Après plusieurs mois de lutte acharnée, les syndicats de votre corporation viennent enfin d'obtenir une revalorisation salariale. Vous êtes désormais reconnu à votre juste valeur.

Ou presque.

Tout le monde vous le dit: "Nonyme, tu vaux mieux que ça!"

Comme s'il était possible d'estimer sa propre valeur! Il s'agit d'un dilemme du même acabit que "l'argent fait-il le bonheur?" "travailler plus pour gagner plus" (c'est normal ça non? Surtout si l'on considère que "toute peine mérite salaire!").  En fait, tous ces proverbes ont une fâcheuse tendance à vous agacer. Le pire de tous: "la m**** ne reste jamais cachée sous la neige!". Il vous a toujours fait penser: "alors pourquoi la chercher?"

Vous allez à votre bibliothèque et choisissez le livre que vous entamerez ce soir. La paix revient. Votre intérieur se calme.

Vous vous rappelez une étude sociologique américaine récente qui concluait qu'il existait un seuil de tolérance du bien-être. Au delà de ce dernier, tous les billets verts que vous pouvez accumuler ne servent qu'à vous enrichir sans vous procurer le moindre contentement supplémentaire. Le document, si vos souvenirs sont exacts, fixait cette barre à 75.000 dollars par an pour un couple.

Le chiffre vous avait étonné à l'époque. Il avait lancé une polémique, dans votre cercle familial, restée irrésolue à ce jour.

Dommage.

Mais celui qui vous étonne le plus vient de tomber: 13% de la population française vivent sous le seuil de pauvreté. Et, comme si cela ne suffisait pas, il parait que c'est un résultat "pas si mauvais" (le journaliste cite en contre-exemple, le taux roumain qui est de 25%. Un quart de ces nouveaux européens est pauvre!). Rendez-vous compte au XXIème siècle! Quel horreur!

Comment les statisticiens parviennent-ils à ce chiffre effarant?

Tout simplement.

Ils relèvent le salaire médian (en France, il est d'environ 1.500 euros). 50% de la population touchent plus. 50% touchent moins. Ensuite ils calculent 80% de celui-ci et trouvent un revenu en dessous duquel vous êtes considéré comme "pauvre". Ils sont donc parvenus à 13% de la population française totale. Et encore il ne s'agit que des chiffres de 2008. Depuis la cause de tous nos maux, la crise, est passée par là.

Ca craint.

Vous déposez votre bouquin, "Germinal", sur votre table de chevet et retournez dans le salon. D'un carton, un de ceux que vous venez de remonter de la cave, pour y faire le tri, vous dégagez une Bande Dessinée, réminiscence d'une adolescence pas tout à fait achevée. Ce soir, vous préférez vous "laver la tête". Blutch et Chesterfield vous y aideront.

"Chaque lecture est un acte de résistance. Une lecture bien menée sauve de tout, y compris de soi-même." (Daniel Pennac).

Finalement certaine citation vous sied.