Le plaisir.

Publié le par La nonyme.

la-petite-maison-dans-la-prairie.JPGVous adorez que votre meilleur ami vienne vous visiter. Surtout les jours moroses.

Vous n'avez jamais su, d'ailleurs, comment il faisait pour débarquer toujours, à l'improviste, ces jours-là, durant lesquels la vie n'est ni bleue, ni rose, ni même noire, mais grise, terne, immobile.

Vous êtes persuadé que chaque être humain a, en lui, parfois bien enfoui, derrière des idées reçues et des a priori dévastateurs, un talent caché. Le sien était de ressentir les choses avant les autres, une éponge. Empathique jusqu'au bout des ongles.

Il avait cette capacité d'écoute qui était une réponse à elle toute seule, un médicament. Une thérapie.

Aussi, lorsqu'il a sonné et qu'avec un immense sourire, il vous a tendu une bouteille de Saint-Estèphe, votre vin préféré, déjà vos soucis se dirigeaient-ils vers la sortie. L'histoire, simple, ou plutôt ordinaire, la nuance est primordiale, qu'il vous raconta, suffit à les mettre à la porte et à verrouiller derrière eux.

Vous voilà, dévalant une route de campagne, en deux roues. Il fait nuit. Il doit être quatre heures du matin. C'est lundi. Il vous faut atteindre la gare située à une vingtaine de kilomètres. Vous prenez le train pour Paris. Le travail vous y attend. 

Vous ne savez pas d'où vous venez, plutôt si mais n'avez plus envie d'y penser. Votre esprit, lui, n'est pas avec vous sur cette route. Il dévale, accompagné de petits êtres immaculés, vaporeux, une colline verdoyante, libre et heureux.

En cette heure matinale, vous ne croisez aucun véhicule. Tant mieux.

Le monde est à vous.

Soudain, dans la lumière des phares, apparait un compagnon de liberté. Un lièvre. Un solitaire. Comme vous. Lui aussi gambade à la recherche de sa destinée. Ou d'un refuge. 

Durant plus de 500 mètres, à vos côtés, comme si l'un attendait l'autre, il galope. Deux êtres se tenant compagnie. Grisés. Magnifique moment partagé, intime. Bien sûr que la peur est là. Celle de l'accident. Dramatique. Et pourtant lorsque l'animal se déporte dans un fossé, disparaissant à votre vue, vous ressentez comme un vide. C'est comme si un ami très cher venait de vous quitter mais qu'il serait toujours présent. Immortel.

Ce soir-là le repas fut excellent, la conversation joyeuse et le vin entêtant! 

Lorsque votre ami est monté dans sa voiture et que la lampe du plafonnier s'est éteinte, vous avez eu un mouvement de surprise. Un pressentiment. Il vous a fait un geste de la main. C'est passé.

Demain, vous appelerez un autre ami, depuis trop longtemps négligé. 

Mettre fin à ce malentendu.

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Publié dans La terre.

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E
<br /> <br /> Hummm « Un » Saint Estèphe…vous goûterez, j’en suis sure, cette appréciation œnologique !<br /> <br /> <br /> Ce « Vin » originellement  venu de Rome, issu de la perle noire du médoc - Petite commune qui dès l’époque du bronze connaissait une<br /> activité très importante…mais métallurgique !  J’aime particulièrement toute cette région, chargée d’Histoire, antre autre.<br /> <br /> <br /> Mais pourquoi je n’ai pas d’ami.e.s qui m’offrent une « si bonne bouteille » ? Parce que je suis une femme ? Moi je le fais.<br /> <br /> <br /> Je vous envie pour ce moment-là.<br /> <br /> <br /> Un petit bonheur en lisant cette page.<br /> <br /> <br /> Je l’ai dégusté avec délectation. Je veux en garder la saveur.<br /> <br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> Je ne sais comment vous faites mais vous semblez me conaîttre mieux que personne. Le Saint-Julien et le Saint-Estèphe sont parmi mes vins préférés. Pour ma part j'en ai déjà offert mais certes<br /> jamais à une femme. Le peur de choquer? <br /> <br /> <br /> J'ai du l'écrire "à chaud" tant il fut fugace et intense. Je ne sais pas s'il est enviable en tout cas il fut grandiose. Quand j'y pense la peur de l'accident fut plus présente que je ne le dis.<br /> La peur de tuer cet être innocent comme un symbole de l'échec de ma vie.<br /> <br /> <br /> J'en tremble encore.<br /> <br /> <br /> <br />