La renaissance.

Florencio, Mario, Juan.

Vous assistez en direct à la remontée des trois premiers mineurs chiliens. Trente restent encore bloqués au fond de la mine.

Soixante-huit jours dans une cavité, sans voir la lumière du jour, sans voir leurs proches mais avec un espoir et une volonté sans égal. Une aventure humaine digne des meilleurs films hollywoodiens. Mieux. Réelle.

Les images de liesse vous transmettent de l'énergie pour la journée. Il est cinq heures du matin et finalement ce deuxième jour de mouvement social ne s'annonce pas si difficile. Que sont deux heures d'embouteillage dans une vie? Baume cicatrisant, ce genre de nouvelle compense très largement les déceptions, les frustrations et autres petits tracas du quotidien.

L'humanité en ressort grandie.

Vous reprenez goût à la vie et vous parez d'une fierté communicative. Une sensation de bien-être vous envahit. Vous pensez aux vôtres, à leur avenir. Même votre incapacité à leur venir aussi souvent en aide que vous le souhaiteriez ne vous agace plus. Vous rechargez vos batteries. Vous pensez à l'Autre. La séparation vous semble plus supportable. Vous pensez à vous, à Arthur, votre ancre à âme, votre arbre. Vous ne le voyez plus mais vous savez qu'il est là et qu'il veille sur ceux que vous aimez. Eternellement. Maigre réconfort. Vous, l'éthéré, n'êtes plus de ce monde. D'ailleurs, l'avez-vous déjà été? Vous le survolez en silence pointant votre baguette dont la magie s'estompe.

Vous survivez car de précieuses pierres restent à tailler. Elles seront votre collier, le médaillon indestructible qui vous reliera à la terre.

Saphir, Rubis et Diamant. Trois petites particules élémentaires, trois grains de sable qui pertuberont la course en avant de la roue de l'infortune. Vous savez désormais pourquoi vous êtes né. Vous êtes leur joaillier. L'Autre sera leur écrin.

Sous la douche, pour la première fois depuis bien longtemps vous souriez. L'espoir vient de renaître. L'illumination.

Puis c'est le départ.

Ce matin, vous récupérez un collègue qui souhaite voyager tranquille. Avant qu'il ne vous mette sa station favorite à la programmation plus conforme à son âge, vous vous branchez sur le monde.

"Le mouvement compte sur les lycéens et les étudiants pour perdurer, se durcir!"

Nos hommes et femmes politiques, qui se revendiquent de l'opposition, n'ont pas vraiment d'idée alors ils se tournent vers la jeunesse, en ça ils vous ressemblent, et menacent de mettre des gamins de 15 ans dans la rue pour faire plier un gouvernement qui, sans doute, ne cédera pas.

Alors lorsqu'une ancienne ministre de la famille, du gouvernement Mitterand, qui a fait prendre conscience à la société des dangers de la télévision pour nos chérubins, demandent à nos "passe ton BAC d'abord!" de descendre dans la rue, vous vous demandez si c'est bien raisonnable.

Cette journée de mobilisation, en fait, vous met devant votre propre irresponsabilité.

Ca ne vous tuera pas. Pas aujourd'hui.

Vous renforcera?