Le nez.

Publié le par La nonyme.

philosophieVous n'avez jamais cru les personnes âgées lorsqu'elles vous racontaient que leurs souvenirs les plus précis étaient les odeurs de leur enfance.

Vous aviez tort.

Qui ne se remémore jamais le parfum gourmand de sa patisserie préférée que sa mère, sa grand mère ou sa tatie sort du four, rien que pour lui?

Et celui, entêtant, enivrant, camphré, végétal de la "pâte à respirer", étalée juste avant de s'endormir et qui fait bien dormir, qui dégage le nez, imprègne le tout nouveau pyjama à l'effigie de son héros favori?

Plus tard c'est la fragrance vanillée, jasminée, de celle qui voulait que le premier rendez-vous soit parfait. Celle-là persiste, aussi longtemps que le bonheur est présent. Elle est quasiment physique. Une partie de soi.

Essayez!

Plongez dans ces années, pleines d'espoir et d'insouciance (vous n'avez pas connu la guerre). Laissez-vous griser par le flux de ces effluves qui ont marqué chaque étape de votre vie. Elles vous emportent dans un torrent de sensations agréables ou pestilentielles, marquantes ou volatiles.

Ce sont les exhalaisons printanières encore chargées d'humidité et de froidure; aussi celle douce et sucrée de votre première douche "de grand", lorsque vous vous lancez à vous laver seul, fier et hésitant, celle plus subtile du papier mélé d'encre de votre premier 10/10 ramené de l'école.

Vous n'oublierez jamais votre premier verre de vin, votre première tasse de café, votre premier appartement visité, votre première voiture neuve, toutes ces choses, ces moments de vie qui ont un fumet particulier, un arôme qui leur est propre.

Si vous croyez les poètes, même la mort a une odeur.

 

Le discours de la Mort au Péché est de la plus terrible et de la plus sombre énergie. Ses pressentiments lui disent que Satan est vainqueur; elle brûle d'aller jouir de ses conquêtes et de l'empire qui leur a promis. Déjà, le nez tourné vers la terre, elle flaire sa proie, et aspire l'odeur de la mort. L'un et l'autre se décident à partir, et projettent un pont de communication entre la terre et l'enfer.

Jacques DELILLE, remarques sur le Paradis Perdu (de Milton).

 

Tout s'apaise.

Tout devient supportable, même lorsqu'une existence s'éteint.

Car resteront les souvenirs et l'odeur doucereuse (douce heureuse) de la peau d'un nouveau né.

Devenir parent est la plus jolie chose au monde.

Publié dans L'eau.

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