L'éthéré.
Imaginez votre salon.
Après la cacophonie de la rue, vous retrouvez le calme. Le silence n'est interrompu que par le crépitement de la flambée dans l'âtre. Vous vous mettez à l'aise. Sur une petite table basse vous attendent un verre de nectar mordoré, une coupe de fruits de saison, le journal du soir, un bouquin à la couverture de luxe dont il ne vous reste plus que quelques pages à lire, un encrier, un écritoire et du papier. Parsemées au sol, comme descendues du ciel, quelques pages manuscrites demeurent les seules traces matérielles de votre vie réelle. Celle d'antan. D'hier.
Le temps s'arrête. Vous savourez ce moment de paix, tranquillement assis sur votre causeuse Grand Siècle. Vous m'attendez. Cette place, restée inoccupée, tout près de vous est la mienne. Nous sommes ami. Souvent. Et adversaire, parfois.
Vous m'attendez et pourtant je suis là, pauvre âme légère.
Oui, je suis là et je vous observe. Je m'imprègne de vos pensées. Y entremêle les miennes. Vous êtes en harmonie avec vous-même. Avec le monde. Je capte vos passions, vos désirs, vos rêves. Votre esprit divague. Le mien s'égare. Vos joies comme vos peines abreuvent avec délice mon imagination galopante. Laissez-moi saisir ces grains d'éternité, cet humus odorant et fertile! Laissez les qu'ils s'épousent, qu'ils s'unissent pour ne former qu'un. Un commencement. Une vie.